lundi 15 juin 2015

Ma nouvelle Amy

Un café, un nouveau lieu pour travailler, un coin tranquille, un quartier morne sans être triste, un bout de trottoir, un peu de fraîcheur sous les platanes de l'avenue, un menu, je suis en avance. Exprès pour éviter la cohue, pour éviter la foule et les impolis de tous poils, je déjeune plus tôt, comme une exception touristique, une autre table aussi proche de moi, deux personnes traduisant avec leurs téléphones les plats.







Et puis j'aime prendre les repères pour une mission de quelques mois, sentir les rues environnantes avant de m'enfermer durant des heures devant un clavier, une machine, des écrans. Soupe froide, légumes grillées dont j'hume le parfum en terrasse, j'hésite. Elle, non pas une serveuse mais elle, réincarnée, non pas copiée mais présente. Amy, la serveuse du lieu, une version dark de l'habituelle et dévouée passeuse de plats, elle aide les voisines dans un anglais impeccable, un naturel étourdissant et j'en oublie ma carte.


Baskets noires avec des noeuds de dentelles, des pics de métal, un collant noir et graphique malgré la saison, des jambes merveilleuses, une jupe crayon entre vinyl et jersey, une coupe originale, un chemisier blanc, eh bien non, elle sert en noir intégral. Version gothique, dentelles, voile noir, doublure noire et ainsi une élégance bien à elle, un serre-taille corseté à la taille. Surtout avec sa coiffure et ses yeux. Deux détails, deux fulgurances de sa féminité, de son allure, elle rayonne avec deux traits parfaits d'eye-liner à chaque coin de ses yeux noirs, des cheveux en version roulé-rétro, une star est là. J'observe tant que je déguste cette personne que l'on pousserait hors de nos normes, de nos frontières dans des cases noires et blanches du costume de serveuse parfaite, une personne différente et étonnement normale. Efficace, même face à mon blanc, mon silence, perdu dans mes pensées, ma carte effacée devant moi, j'ai commandé une soupe et une assiette de choses grillées. Quelle sauce ? elle insiste avec un sourire et cette voix chaude. J'hésite, je ne sais plus, je ne vois qu'elle, sa beauté, sa vérité.




Durant les jours suivants, je ne suis pas venu la draguer, juste l'admirer et quand un soir, après une réunion tardive, je suis passé ici, elle faisait le service, dans une demie pénombre. Ais-je rêver ? mais elle chantait entre les tables, les clients hypnotisés mangeaient. 






Mots & Emotions
Nylonement


1 commentaire:

  1. Un texte original, hommage comme vous savez si bien les donner, à un choix de féminité, original et assumé. Samedi, dans le métro parisien, j'attendais le mien et sur le quai d'en face, une jeune femme, que l'on ne pouvait pas ne pas remarquer , attendait le sien...sosie de la première photo. Texte hommage à un choix de féminité, mais mêlé à un hommage à une femme, qui nous a laissé sa voix. Beau texte.

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