dimanche 31 mai 2015

Bonheur du dimanche

Alors que je serai sur le golf, seule dans une foule de joueurs et joueuses, concentrée sur une petite balle facétieuse certains jours, je penserai à elle, ma mère. Un dimanche comme un autre, un dimanche de fête des mères, un dimanche au goût de nostalgie.






Toi, car je peux te tutoyer même si longtemps tu a affirmé ton rôle avec une réelle présence, une profonde distance et en compensation un amour moelleux entre tes bras. Tu savais,  du moins comme tous les parents tu tentais de porter le rôle de l'éducation infaillible, du parent qui donne l'exemple, qui guide sur le chemin de la vie, du parent qui connais les bonnes et les mauvaises choses de cette route nouvelle devant moi. Stricte d'une main, fragile et épouse rayonnante, toujours féminine avec une simplicité due à notre aisance financière très relative, plutôt modeste, tu savais t'habiller de peu, être celle dont on regardait le ruban dans les cheveux, les chaussures bien choisies, les robes corolles taillées et cousues à la main, tombant impeccablement. Et puis tu donnais ton coeur, à tes enfants dont moi. J'aimais prendre ce temps, partager avec toi des heures dans la cuisine pour apprendre à faire des choux à la crème, voir ton sourire anodin à l'époque quand je pouvais goûter, mettre mon doigt dans la crème, ce sourire inoubliable maintenant. J'aimais être trop petite, juchée sur un tabouret pour essayer de battre des blancs en neige, ou ma première mayonnaise. Ma première fois que l'on mangeait tous ensemble autour de la table du dimanche, des oeufs mimosas, et que la magie de la cuisine avait fait de moi, la star relative d'un instant, le jaune d'or se mêlant avec les jaunes écrasés. Les feuilles de salade verte du jardin de mon père, les demies coquilles de blanc d'oeuf, la fameuse mayonnaise, le jaune, les fourchettes, les bouches, les sourires. Aujourd'hui encore en croquant dans ce simple plat, je revois toute la famille, toi, moi, ma fierté, mon bonheur.

Et puis j'aimais tant ta voix douce, le soir, pour lire des histoires, pour m'aider dans mes devoirs, pour me parler en rentrant de l'école, pour me dire que j'allais un jour devenir femme, peut-être mère. Aujourd'hui, je pense à cela, pendant que d'autres calculent leurs coups sur le parcours, que d'autres se montrent leurs grosses montures, se mesurent d'importance en caressant des carrosseries métalliques symboles de leurs réussite ou de leur pouvoir. Des gosses en version adultes, avec des réflexes primaires. Je pense à toi car contrairement à tes autres enfants, mes frères et soeurs, je ne suis pas devenue maman. Juste profondément femme, active et brillante avocate, reconnue pour son éloquence, parfois son élégance aussi, sobre mais féminine, redoutée pour ses attaques, ses leviers qui déplacent tout l'échiquier de mon côté en quelques coups, je suis un peu de toi.








Heureuse oui, libre oui, sans enfants oui et non, j'ai vécu, beaucoup travaillé, oublié le temps de la séduction après une histoire trop forte avec un homme, finie par son infidélité. J'ai douté, pris mon travail comme premier compagnon, laissant les années filer. Le jour où mon prince charmant est venu, tu riais de cette expression, car le tien, mon père, était rustique, sans cheval blanc, mais profondément aimant. Donc le jour où le hasard me l'a mis devant les yeux, je l'aimé quasi immédiatement, j'ai pris avec moi ses deux enfants, ses deux filles, je suis devenue belle-mère, mais cela n'a plus d'importance. Car je suis femme et aimée autant qu'amoureuse de cet homme. D'ailleurs il arrive, nous allons jouer ensemble. Pas de fête de famille aujourd'hui, un jour comme un autre, presque, je laisse mes pensées s'envoler vers toi, partie depuis quelques années. La symbolique du jour m'échappe un peu, car je crois fermement, à la liberté affirmée des femme, à une vie souriante, comme dans tes yeux. Je les vois encore. Toujours apaisant.







Mots & Emotions


3 commentaires:

  1. Maman nous a quittés il y a de longues années mais je suis devenue maman à mon tour et même mamie alors ce jour reste important pour moi mais moins important que de savoir mes enfants et petits-enfants en bonne santé et heureux....Oui ce jour est important à condition que la liberté de la femme soit là en dépit de son statut de mère.
    Bonne fête à toutes les mamans du monde !

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  2. Vous êtes un blogueur surprenant, découvert il y a quelques semaine, encore aujourd'hui vous savez nous emporter sur votre route. en passant un message élégant vers les femmes.

    Ecrivez encore vos mots sont forts

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  3. Un texte simplement beau, entre souvenirs et avenir, mais qui entremêlent les écheveaux du temps.
    Bravo pour ces mots subtils et élégants, comme toujours.

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